Ce texte proclame, certes, les raisons qui ont pu conduire à la création de Formules mais il ne veut pas être le manifeste d'une école. Plutôt énonce-t-il un bilan et un programme qui privilégie les littératures à contraintes, fondées sur le calcul et la construction, voire l'hyperconstruction. À partir des critiques émises par les postmodernes à l'encontre de la modernité, ce programme tente de définir une autre modernité (très différente du formalisme transgressif et iconoclaste des défuntes avant-gardes), celle du formalisme hyperconstruit, dont la présente richesse provient de plusieurs héritages, parmi lesquels celui de Poe-Mallarmé-Valéry, celui aussi de Raymond Roussel et sa postérité, et enfin celui, oulipien, de Raymond Queneau et de François Le Lionnais. En effet, faisant le point sur la production contemporaine, Baetens et Schiavetta démontrent que le centre d'intérêt de Formules correspond aujourd'hui à la pratique d'un grand nombre d'auteurs de prime abord très différents.
La poésie d'aujourd'hui n'est pas une, ni plusieurs : elle est légion. Cependant, les différentes esthétiques -qui sont autant d'idéologies de la parole- sont loin d'être équivalentes ou interchangeables. La réarticulation du champ que propose Jacques Bertharion a le double avantage de se faire sur des bases théoriques claires et de permettre la compréhension de certaines oeuvres clé de l'actuelle modernité.
Définissant l'écriture comme l'acte matériel qui consiste à tracer les mots sur la page, Jésus Camarero étudie la redécouverte de cette dimension matérielle du geste d'écrire dans quelques théories récentes, afin de mettre en lumière ses enjeux pour la théorie du texte dans son ensemble.
Le vieil alexandrin, dont la disparition progressive avait fait l'objet d'un livre fondamental de Jacques Roubaud (La vieillesse d'Alexandre, éd. Maspero, 1978), semble avoir été condamné un rien trop hâtivement. Dans le sillage de ses recherches sur les « formes fixes » en poésie, Didier Coste examine les causes profondes de cette résistance tout à fait inattendue.
A la demande de la rédaction de Formules, qui souhaite multiplier les débats sur ses positions, Jacques Jouet donne ici sa réponse, au plutôt sa réplique, mi- amusée mi-cinglante, au texte inaugural de la revue.
Jean Lahougue avait publié plusieurs romans chez Gallimard, qui a refusé le dernier, Le domaine d'Ana (à paraître chez Champ Vallon). En réponse à la lettre du lecteur de Gallimard, Jean Lahougue apporte ici une leçon de lecture et d'écriture.
De l'Antiquité au XXe siècle, les poètes ont toujours mis à profit les possibilités que leur offrent les aspects visuels des signes et des divers supports d'écriture. De ce phénomène injustement réduit à l'exercice des calligrammes, le célèbre érudit jésuite Giovanni Pozzi donne ici un aperçu d'autant plus important qu'il ne néglige nullement le cadre thématique et idéologique de ce type d'écriture, dans une analyse ancrée dans l'option catholique de l'auteur.
Mallarmé passe pour l'inventeur d'un genre poétique de nos jours peu pratiqué et surtout mal lu : les adresses versifiées. Daniel Bilous révèle les sources cachées de cette pratique mallarméenne, pour en proposer ensuite une analyse très fouillée qui souligne utilement les possibilités de réemploi de cette formule.
Les sept pièces de cet ensemble font rencontrer une thématique ancienne, celle des natures mortes nommées "vanités", avec une forme poétique également traditionnelle, combinant une rime et un prosodie uniques, travaillés l'une et l'autre de manière conséquente.
Sur l'absence, les textes ne se comptent plus. Mais celui-ci, qui porte sur l'absence justement, est un écrit où le compte a toute son importance et où le vide central est signifié plus d'une fois. Évidemment, l'humour ne sort pas perdant de ces calculs.
Avec le palindrome, les lettres d'un énoncé se lisent à la fois de gauche à droite et de droite à gauche. Dans la variation proposée par Michelle Grangaud, qui reprend l'invention du poète hellénistique Sotadès, les unités de base ne sont plus les lettres mais les mots, ce qui change considérablement le rythme du palindrome, mais aussi et surtout ses enjeux narratifs, ici bien plus importants que dans les formes traditionnelles de la figure.
Une photographie de Rauschenberg, des éclats de romans policiers, un souvenir de cinéma, le goût mallarméen de la réflexion sous tous ses angles, voilà quelques-uns des matériaux de base du roman d'Hervé Lagor dont voici les premières et dernières pages. Mais le jeu des échos comprend jusqu'aux phrases et ne laisse de côté ni les mots ni les lettres de cette prose aussi travaillée qu'une composition poétique.
La sextine est une composition poétique qui procède à la sextuple permutation hélicoïdale de six mots-rimes à travers les six strophes de six vers qui la composent. Grand spécialiste de l'histoire de cette forme, depuis son invention par Arnaud Daniel jusqu'à nos jours, Jean Lartigue en propose ici une variation toute personnelle.
Le récent recueil de Daniel Marmié De la tour à la reine (de Fallois, 1996) représente pour la poésie holorime ce que La Disparition de Perec signifie pour le lipogramme : une prouesse non moins qu'un chef-d'oeuvre. Étant déjà une extension maximale de la rime à l'entière substance phonique du vers, l'holorime, généralement limitée au distique, profite chez Daniel Mallarmé d'une extension seconde, qui lui permet passer de la paire de vers au douzain et au sonnet.
Les règles de la poésie traditionnelle sont limitées par beaucoup au seul couple de la rime et du décompte syllabique. Ce que montre le travail de Gilles Tronchet, qui renoue en ce sens avec une tradition poétique très ancienne, c'est que les règles d'écriture peuvent s'emparer de n'importe quel endroit du texte et que tout fragment peut toujours devenir le site d'un pluriel de procédés.
La perception, puis la compréhension d'une oeuvre et des règles qui la composent ou la sous-tendent, est un acte d'une complexité insoupçonnée, mobilisant des données physiologiques aussi bien que cognitives. Dans cet article, Patrice Hamel offre une synthèse de certaines recherches en la matière, pour en mesurer l'utilité à partir de l'exemples fourni par TRANSIT l'une de ses uvres graphiques (les Répliques).
Comment passer d'un texte aux trois dimensions dans l'espace ? Ou plutôt, comment passer d'un espace au caractère bidimensionnel du texte ? Tel va-et-vient, que l'on sait typique des productions plastiques in situ, est au coeur de la composition dont Guy Lelong donne lui-même les modèles, les modes d'emploi, les difficultés, mais aussi les implications politiques et idéologiques.
Empruntée au monde des mathématiques par Jacques Bens, la contrainte dite "éodermdromique" permet, malgré sa difficulté, l'engendrement de textes à partir d'une formule unique mais qui se prête à des usages fort divers. Jacques Roubaud en livre tous les détails, non sans y adjoindre aussi quelques exemples.
Qu'est-ce qu'une écriture infinie, coïncidant -s'il est vrai que le monde est fait pour aboutir à un Livre- avec le monde même ? De Mallarmé à Borges, cette question a hanté la modernité. Schiavetta montre ici que cette interrogation est en fait beaucoup plus ancienne. Il montre aussi qu'il existe des moyens pratiques et réalistes d'élaborer ce rêve fou.
Comptes rendus de :