Le colloque international organisé par Formules en août 2001 au château de Cerisy-la-Salle, et qui a réuni plus de quarante participants venues d'une douzaine de pays et de trois continents, a marqué le premier lustre de la revue. La grande diversité des communications et des lectures de création, dont plusieurs en langue étrangère, a bien montré à quel point les littératures à contraintes sont devenues un phénomène, voire un courant littéraire international, où la différence des langues n'engendre pas la confusion, mais l'enrichissement réciproque. L'esprit d'ouverture de la revue ne s'est jamais mieux illustré que pendant cette rencontre tout entière vouée à l'étude et à la pratique d'une certaine manière de penser le texte et sa lecture. D'autre part, il est certain que le colloque de Cerisy signifie aussi un tournant. En effet, le nombre d'hypothèses théoriques, d'idées de recherche, de projets, d'envies de collaboration fut tel que le cadre global de notre démarche devrait s'élargir sous peine de perdre le dynamisme et la créativité de cette rencontre.
Ainsi, le présent numéro apporte quelques changements. Le principal concerne, bien entendu, la redéfinition de notre champ. Formules souhaite s'ouvrir encore davantage à des pratiques formelles systématiques très diverses qui répondent à notre définition large de toute contrainte comme « une règle textuelle hors normes ». Au-delà de tout esprit de chapelle, Formules cherche à rassembler les auteurs et les textes qui s'appuient sur des procédés ou programmes à la fois systématiques et hors normes dans leur effort de reprendre et de continuer la grande tradition moderniste formaliste dont nous nous réclamons toujours. Et il convient par ailleurs de rappeler que ce qui compte pour notre revue, n'est pas le procédé littéraire ou artistique en soi, mais l'usage qui en est fait.
Un second changement, plus discret mais non moins essentiel dans l'épanouissement d'une revue, concerne l'élargissement de nos rubriques thématiques : celle (très fournie) sur les parutions récentes, a été confiée à Alain Chevrier ; celle sur les colloques, à Christelle Reggiani ; celle sur les jeux littéraires, à Alain Zalmanski tandis que, comme auparavant, celle sur les littératures à contraintes pour la jeunesse est toujours assurée par Chantal Robillard.
Nous commémorons dans ce numéro la disparition de Georges Perec, en lui consacrant, vingt ans après, un dossier d'études. Pour cette raison, Le Cabinet d'amateur, revue d'études perecquiennes est notre invitée cette année. Son directeur, Bernard Magné, et la plupart de ses collaborateurs, Christelle Reggiani, Mireille Ribière, Cécile De Bary (à la seule exception de Dominique Bertelli, que nous accueillons pour la première fois), avaient déjà publié dans nos précédents numéros. Pour sa part, Formules a demandé des contributions à Alain Chevrier, à Alain Zalmanski, à Shuichiro Shiotsuka, à Gilles Esposito-Farèse, à David Bellos, auteur de la célèbre biographie de Perec, et à Roland Brasseur, auteur du délicieux Je me souviens de Je me souviens, dont nous publions ici la continuation (à suivre...).
Notre dossier de créations, Le Renouveau des écritures formelles, montre la très grande variété des productions actuelles dans notre domaine. Toute cette richesse a-t-elle en partie sa source dans l'influence de l'œuvre perecquienne ? Ce sera chose difficile à prouver, mais il est certain que cette influence est plus large et plus diffuse que les nombreuses suites qui ont très objectivement suscité Je me souviens (qui a inspiré beaucoup d'émules) ou Le Voyage d'hiver (dont les suites sont exclusivement oulipiennes). En tout cas, notre dossier de création s'étend bien au delà de l'Oulipo (ici représenté par Michelle Grangaud, lan Monk et Marcel Bénabou) pour englober des pratiques formelles systématiques très diverses qui répondent à notre définition large de la contrainte. Ces programmes et procédés littéraires hors normes sont particulièrement visibles dans la production de certains poètes de l'extrême contemporain, comme Anne-Jammes Chaton ou bien comme Jacques Sivan et Jean-Michel Espitallier (de la revue JAVA), auxquels nous avons demandé des poèmes et des textes de réflexion sur leurs écritures. D'autres auteurs à contraintes Alin Anseew, comme Jan Baetens, Alain Chevrier, Régine Detambel, Patrice Hamel, Jacques Perry-Salkow, Guy Lelong et Gilles Tronchet sont des habitués de Formules. Nous accueillons enfin pour la première fois Marie Etienne, poète du vers compté, qui nous donne une de ses proses, Otto Ganz et son étonnant hétéronyme Barbara Suckfull, et finalement une découverte, Michel Clavel, dont nous offrons ici l'un des tout premiers textes à être publiés.
Tout comme dans nos précédents numéros déjà publiés, revue.formules@wanadoo.fr invite ses lecteurs à lui envoyer leurs adresses e-mail pour prendre la parole, pour discuter les propositions ou les textes publiés, pour joindre les auteurs de la revue et pour être informés des multiples manifestations (lectures, débats, colloques, salons, festivals) auxquelles nous participons. Le site web actualisé de Formules sera un atout majeur dans ce débat, d'autant plus que l'écriture électronique, qui fait maintenant partie du programme d'écriture de plusieurs de nos auteurs, sera le sujet d'un prochain numéro.